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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/361

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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


mais, comme les grands poètes, il sait rendre intéressante la peinture des objets physiques, en y mêlant avec art des idées morales, qui intéressent l’âme en même temps que l’imagination est amusée ou étonnée. Son style est harmonieux, non de cette harmonie qui appartient à tous les écrivains corrects, à qui le sens de l’oreille n’a pas été refusé, et qui consiste presque uniquement à éviter les sons durs ou pénibles, mais de cette harmonie qui est une partie du talent, qui ajoute aux beautés, par une sorte d’analogie entre les idées et les sons, et fait que la phrase est douce ou sonore, majestueuse ou légère, suivant les objets qu’elle doit peindre et les sentiments qu’elle doit réveiller.

Si M. de Buffon est plus abondant que précis, cette abondance est plutôt dans les choses que dans les mots ; il ne s’arrête pas à une idée simple, il en multiplie les nuances ; mais chacune d’elles est exprimée avec précision ; son style a de la majesté, de la pompe, mais c’est parce qu’il présente des idées vastes et de grandes images ; la force et l’énergie lui paraissent naturelles ; il semble qu’il lui ait été impossible de parler ou plutôt de penser autrement ; on a loué la variété de ses tons ; on s’est plaint de sa monotonie ; mais ce qui peut être fondé dans cette censure, est encore un sujet d’éloge : en peignant la nature sublime ou terrible, douce ou riante ; en décrivant la fureur du tigre, la majesté du cheval, la fierté et la rapidité de l’aigle, les couleurs brillantes du colibri, la légèreté de l’oiseau-mouche, son style prend le caractère des objets ; mais il con-