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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/367

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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


différence sous des formes passionnées. Dans ces écrivains, les défauts tiennent souvent aux beautés ; ils ont la même origine et sont plus difficiles à distinguer ; ce sont ces défauts que l’imitateur ne manque jamais de transporter dans ses copies. Veut-on les prendre pour modèles, il ne faut point chercher à saisir leur manière, il ne faut point vouloir leur ressembler, mais se pénétrer de leurs beautés, aspirer à produire des beautés égales, n’appliquer comme eux à donner un caractère original à ses productions, sans copier celui qui frappe ou qui séduit dans les leurs.

Il serait donc injuste d’imputer à ces grands écrivains les fautes de leurs enthousiastes, de les accuser d’avoir corrompu le goût, parce que des gens qui en manquaient les ont parodiés en croyant les imiter. Ainsi, on aurait tort de reprocher à M. de Buffon ces idées vagues, cachées sous des expressions ampoulées, ces images incohérentes, cette pompe ambitieuse du style qui défigure tant de productions modernes, comme on aurait tort de vouloir rendre Rousseau responsable de cette fausse sensibilité, de cette habitude de se passionner de sang-froid, d’exagérer toutes les opinions, enfin de cette manie de parler de soi sans nécessité, qui sont devenues une espèce de mode et presque un mérite. Ces erreurs, passagères dans le goût d’une nation, cèdent facilement à l’empire de la raison et à celui de l’exemple ; l’enthousiasme exagéré, qui fait admirer jusqu’aux défauts des hommes illustres, donne à ces maladroites imitations une vogue momentanée, mais