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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/381

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ÉLOGE DE M. DE BUFFON.


elle s’occupe de leurs découvertes, de leurs opinions : mais c’est dans des ouvrages étrangers qu’elle va les chercher, parce qu’elles s’y présentent débarrassées de tout ce que les idées particulières au siècle, au pays où ils ont vécu, peuvent y avoir mêlé d’obscur, de vague ou d’inutile ; rarement le charme du style peut compenser ces effets inévitables du temps et du progrès des esprits. Mais M. de Buffon doit échapper à cette règle commune, et la postérité placera ses ouvrages à côté des dialogues du disciple de Socrate et des entretiens du philosophe de Tusculum.

L’histoire des sciences ne présente que deux hommes, qui, par la nature de leurs ouvrages, paraissent se rapprocher de M. de Buffon, Aristote et Pline, tous deux infatigables comme lui dans le travail, étonnants par l’immensité de leurs connaissances, et par celle des plans qu’ils ont conçus et exécutés ; tous deux, respectés pendant leur vie et honorés après leur mort par leurs concitoyens, ont vu leur gloire survivre aux révolutions des opinions et des empires, aux nations qui les ont produits, et même aux langues qu’ils ont employées ; ils semblent, par leur exemple, promettre à M. de Buffon une gloire non moins durable.

Aristote porta sur le mécanisme des opérations de l’esprit humain, sur les principes de l’éloquence et de la poésie, le coup d’œil juste et. perçant d’un philosophe ; dicta au goût et à la raison des lois auxquelles elles obéissent encore ; donna le premier exemple, trop tôt oublié, d’étudier la nature, dans