obligé de se destiner à une profession mécanique,
choisit d’être admis comme élève dans une imprimerie
que son frère aîné dirigeait. Il avait quinze
ans, lorsque le hasard lui procura un volume dépareillé
du Spectateur. Enchanté de la philosophie
et du style de cet ouvrage, il résolut de le
prendre pour modèle ; il y choisissait un sujet, en
écrivait les principales idées, essayait ensuite de le
traiter, et comparait son travail à celui du maître
qu’il s’était ainsi donné. Par cet exercice, auquel il
ne pouvait se livrer qu’aux dépens du temps destiné
au sommeil ou au repos, il acquit bientôt
assez de facilité pour oser faire aussi des articles du
Spectateur. Son frère imprimait une gazette ; il lui
fit parvenir ses premiers essais, en cachant son nom
et en déguisant son écriture ; ils furent lus devant
leurs amis assemblés, et Franklin jouit du plaisir de
les entendre applaudir, et de voir qu’on en cherchait
l’auteur parmi les plus célèbres de ceux qui
faisaient honneur à la littérature, encore naissante,
de la Nouvelle-Angleterre. Il ne put garder longtemps
son secret, et devint, en le révélant, l’objet de
l’estime et presque de l’admiration de sa petite société ;
mais son frère, naturellement impérieux, jugea
qu’un jeune homme de dix-sept ans, qui était
auteur, ne serait pas un ouvrier imprimeur bien
docile. Peu de temps après, son honneur força
Franklin à se séparer de lui. Il quitta sa famille,
se rendit à New-York, où il ne trouva point d’ouvrage,
partit pour Philadelphie, et arriva, n’ayant
que deux schellings pour toute fortune, dans cette
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ÉLOGE DE FRANKLIN.