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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/391

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ÉLOGE DE FRANKLIN.


une volonté publique qui ne soit pas celle du peuple, et à placer entre les individus et la puissance nationale une force étrangère qui, dirigée par un fourbe ambitieux, menacerait également et la liberté et les lois.

Il est d’usage, dans les clubs d’Angleterre, de condamner à une légère amende ceux qui s’écartent des lois de la société. Dans celui de Philadelphie, on en payait une toutes les fois qu’on se permettait une expression tranchante. Les hommes les plus intrépides dans leur certitude étaient obligés d’employer les formules du doute, et de prendre dans leur langage l’habitude d’une modestie qui, si même elle s’arrêtait aux paroles, aurait déjà l’avantage de ne pas choquer l’amour-propre d’autrui, mais qui, par l’influence si puissante des mots sur les idées, doit finir par s’étendre sur les opinions mêmes [1].

£n même temps Franklin faisait adroitement la guerre au fanatisme qui devait avoir poussé de

  1. Déclarer qu’on n’avait aucun sentiment d’animosité contre aucun des membres de l’assemblée ;

    Professer un égal amour pour tous les hommes, quelle que fût leur croyance ;

    Regarder comme un acte de tyrannie toute atteinte à l’indépendance des cultes ou des opinions ;

    Aimer la vérité pour elle-même ; chercher à la connaître ; se plaire à l’étendre ; s’efforcer de la propager ;

    Telle était la profession de foi de cette société, qui rendit de grands services aux assemblées nationales de la Pensylvanie, et ne prétendit jamais à les gouverner.