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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/404

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ÉLOGE DE FRANKLIN.


Il fit construire des forts ; il envoya des secours au général Braddock, et y sacrifia une partie de sa fortune.

Cette guerre fut heureuse, mais elle éclaira les Américains sur leur force. Ils ne pouvaient se dissimuler que la conquête du Canada avait été leur ouvrage.

La paix, en assurant ce vaste pays à l’empire britannique, le délivrait de la crainte d’un ennemi étranger et soumis à un gouvernement absolu [1].

En même temps l’Angleterre, frappée des accroissements rapides de la population et de la prospérité de ces mêmes colonies, crut qu’elle ne devait pas tarder davantage à s’assurer le moyen de trouver dans leurs richesses un instrument de sa puissance. Un demi-siècle auparavant, une tentative pour les assujettir à l’impôt aurait pu dissoudre ces sociétés naissantes ; plus tard, elles auraient acquis assez de force pour s’y refuser. Il s’agissait moins du produit de l’impôt, que de constater le droit de l’établir.

  1. Les jésuites existaient encore dans le temps où le Canada appartenait à la France. On redoutait beaucoup leur influence sur les Sauvages ; on craignait qu’ils ne parvinssent à en faire des soldats de l’inquisition. Les lois françaises étaient encore ces mêmes lois de Louis XIV, si odieuses à l’Europe protestante ; on ignorait, de l’autre côté de la mer Atlantique, ce changement rapide des esprits, qui, annonçant la chute de ces lois, en tempérait d’avance l’exécution ; et cette crainte des Français aurait peut-être suffi pour balancer longtemps, dans les colonies anglaises, le désir de briser leurs chaînes, et peut-être pour leur en faire supporter de nouvelles.