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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/416

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ÉLOGE DE FRANKLIN.


furent presque le seul fruit de cette réunion ; mais lorsque, par le progrès des lumières, une véritable science eut remplacé les systèmes, et qu’une philosophie fondée sur la nature et sur l’observation eut succédé aux préjugés des écoles, les hommes éclairés de tous les pays commencèrent à ne former qu’un seul corps, dirigé par les mêmes principes et marchant vers un but unique. Alors la raison et la liberté eurent partout de paisibles apôtres, indépendants dans leurs opinions, mais réunis par le culte qu’ils rendaient à ces divinités bienfaisantes. Bientôt les préjugés ne comptèrent plus pour sectateurs que des hommes ignorants ou corrompus, et les talents ou le génie ne combattirent que pour la vérité. Chaque nation, suivant ses progrès vers la civilisation, se trouva plus ou moins soumise à l’influence de deux partis opposés : l’un jaloux de maintenir des préjugés dont il profitait seul ; l’autre, occupé de les détruire pour le bien de tous. Quelquefois les lumières descendaient du trône sur le peuple ; plus souvent elles remontaient du peuple jusqu’au trône, en effrayant dans leur passage ceux qui, placés entre eux et profitant de leur ignorance et de leurs erreurs, auraient voulu les condamner l’un et l’autre à des ténèbres éternelles. Ainsi, l’Amérique pouvait partout compter sur des amis zélés et fidèles, faibles dans chaque pays, le plus souvent sans pouvoir apparent, mais forts par leur noble concert, et puissants sur l’opinion par l’autorité de la raison et des talents. Les circonstances politiques ajoutaient encore aux espérances des Américains.