en Europe une grande réputation. Ne pouvant, dans
leur heureuse égalité, et au moment de leur naissance
politique, envoyer un ambassadeur décoré aux yeux
des préjugés par quelques-uns des hochets de la vanité
européenne, ou illustré par de grands emplois,
ils choisirent un homme qui n’était grand qu’aux
yeux de la raison et illustre que par son génie. Le
succès répondit à leurs espérances. La célébrité de
Franklin dans les sciences, lui donna pour amis
tous ceux qui les aiment ou les cultivent, c’est-à-dire,
tous ceux qui exercent sur l’opinion publique
une influence réelle et durable. À son arrivée, il devint
un objet de vénération pour tous les hommes
éclairés, et de curiosité pour les autres. Il se prêtait
à cette curiosité avec la facilité naturelle de son caractère, et la conviction que par là il servait la cause de sa patrie. On se faisait honneur de l’avoir vu ; on répétait ce qu’on lui avait entendu dire. Chaque
fête qu’il voulait bien recevoir, chaque maison où
il consentait à aller, répandait dans la société de
nouveaux admirateurs qui devenaient autant de
partisans de la révolution américaine.
Il avait senti d’avance qu’il n’avait à combattre que l’incertitude et la faiblesse des ministres, qu’il s’agissait de les entourer de l’opinion publique, de vaincre leur timidité par la crainte ; il savait que ce n’était pas auprès d’eux, mais auprès de la nation qu’il était réellement envoyé.
Les hommes que la lecture des livres philosophiques avait disposés en secret à l’amour de la liberté, se passionnaient pour celle d’un peuple étranger,