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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/419

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ÉLOGE DE FRANKLIN.


en attendant qu’ils pussent s’occuper de recouvrer la leur, et saisissaient avec joie cette occasion d’avouer publiquement les sentiments que la prudence les avait obligés à tenir dans le silence.

À peine Franklin avait-il traversé les mers, et déjà le génie de la liberté avait suscité ce jeune héros, qui, né pour elle seule, devait consacrer sa vie à la soutenir en Amérique, à la conquérir en France et à la servir toujours, tantôt combattant pour elle les soldats de la tyrannie, tantôt empêchant les vils ennemis des lois de souiller son triomphe par des attentats que leur sanguinaire hypocrisie ose couvrir de son nom sacré [1].

Un cri général s’éleva bientôt en faveur de la guerre d’Amérique, et les amis de la paix n’osèrent même se plaindre qu’elle fût sacrifiée à la cause de la liberté. La condescendance des ministres pour les Anglais excitait une indignation que la hauteur déplacée de leurs agents augmentait encore, et dix mois après l’arrivée de Franklin, le ministère français, entraîné par la voix publique, encouragé par la prise d’une armée entière, obligée de mettre bas les armes devant les milices américaines, inquiet du départ des commissaires anglais, chargés de porter en Amérique des propositions séduisantes, signa enfin un traité d’alliance avec les États-Unis.

On lui a peut-être trop reproché cette lenteur. La France n’avait pas alors une constitution libre ; mais les Français n’étaient pas esclaves. Si le peuple

  1. M. de la Fayette.