années plus tard, mais qu’elle ne pouvait être en
danger. C’était la supériorité de raison d’un homme
qui savait que le monde moral est assujetti, comme
le monde physique, à des lois certaines, et qui voyait
d’avance, dans ces lois immuables, le triomphe de
sa patrie. C’était surtout l’absence si rare de toutes
considérations personnelles ; car ce sont elles dont
l’influence corruptrice souille si souvent l’amour de
la liberté par ces inquiétudes, ces craintes, ces fureurs
qui le dégradent en le rendant trop semblable
aux viles passions de l’intérêt et de la vanité. Le
patriotisme de Franklin devait être calme comme
celui de Socrate et de Phocion, que des orateurs
vendus à des factions, ou payés par des tyrans,
accusaient aussi de ne pas aimer assez leur pays.
La France, durant cette guerre, lui avait offert un spectacle bien digne d’intéresser son génie observateur. Il avait vu les opinions que l’on condamnait dans les ouvrages des philosophes, établies dans les manifestes ; un peuple tranquille dans ses chaînes antiques s’enivrer du bonheur de briser celles d’un autre hémisphère ; les principes républicains ouvertement professés sous un gouvernement arbitraire ; les droits des hommes violés par les lois et par l’autorité, mais établis et approfondis dans les livres ; des lumières en politique dignes du siècle le plus éclairé, et du peuple le plus sage, briller au milieu d’une foule d’institutions absurdes et barbares ; la nation applaudissant aux maximes de la liberté sur ses théâtres, mais obéissant dans sa conduite aux maximes de la servitude : libre dans ses sentiments,