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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/423

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ÉLOGE DE FRANKLIN.

Ainsi, Franklin paraissait attendre tranquillement en France la fin de sa douce et glorieuse carrière. Les savants, les philosophes, les amis de la liberté étaient ses compatriotes, et il se consolait, en servant sa patrie, du regret de ne pas jouir du spectacle de son indépendance.

Sa vie était plus retirée, plus paisible, depuis que son pays avait cessé d’avoir besoin de multiplier ses partisans. Dans sa retraite de Passy, une société peu nombreuse, quelques amis, des travaux faciles, remplissaient le soir d’une belle vie. Mais une infirmité douloureuse en troubla le cours ; dès ce moment, son âme se tourna vers sa patrie, et il quitta la France, à qui, pour prix de ses services, il laissait un grand exemple et des leçons qui ne devaient plus rester longtemps inutiles. Il s’embarqua clans un port d’Angleterre, où il fut accompagné par M. le Veillard, qui, pendant son séjour à Passy, lui avait constamment prodigué tous les soins d’une tendresse filiale, et avait voulu retarder l’instant si douloureux d’une séparation éternelle. Franklin ne fit que toucher les côtes d’Angleterre, et il eut la générosité d’épargner à ses ennemis humiliés le spectacle de sa gloire. S’il regardait les Français comme ses amis, les Anglais étaient pour lui des parents dont on aime à oublier les torts, et à l’égard desquels on doit respecter encore les liens de la nature, quand même leur injustice les a rompus.

Son entrée à Philadelphie fut un triomphe, et il n’avait pas besoin qu’un esclave l’avertît qu’il n’était