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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/426

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ÉLOGE DE FRANKLIN.


selon des idées vagues d’utilité et les vues de la politique vulgaire, que d’après les principes approfondis de la nature des sociétés et du droit des citoyens. Cependant il fallait cimenter l’union entre les treize États ; et pour les déterminer tous à recevoir le plan arrêté par la convention, il croyait nécessaire de leur offrir l’autorité du vœu unanime de leurs représentants.

Il signa donc ; mais, dans un discours plein de modération et de finesse, il avertit qu’il avait cru devoir faire à l’humanité le sacrifice de son opinion. C’était dire à ses compatriotes : Acceptez ce plan, le meilleur que l’état actuel des opinions permette de vous présenter, et sachez remettre à un autre temps l’espérance d’une institution moins imparfaite. Sacrifiez à la nécessité d’acquérir au dehors une existence politique ce désir de la perfection, qui, lorsque les moyens de l’atteindre un jour demeurent tout entiers, pourrait être une erreur de l’orgueil plutôt que le fruit d’un patriotisme éclairé. Ses compatriotes l’entendirent, et l’Amérique adopta cette constitution, en énonçant des vœux pour que de nouvelles lumières fissent disparaître les défauts que les hommes éclairés croyaient y rencontrer.

Franklin n’aurait pu refuser la place de président de l’assemblée de Pensylvanie sans blesser le sentiment de vénération et de reconnaissance qui l’y avait appelé, malgré son âge et ses infirmités ; mais bientôt il s’éloigna peu à peu des affaires pour vivre dans un repos honorable, n’appartenant plus à la chose publique que par ses vœux et ses souvenirs.