Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/427

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
415
ÉLOGE DE FRANKLIN.


Il avait cédé à la prière de ses amis qui lui avaient demandé d’écrire les mémoires de sa vie, et ce fut la douce occupation de ses dernières années. Il pouvait se reporter sur le passé, sans craindre ni les regrets ni les remords ; sa vie avait été heureuse, pure [1] et paisible ; aussi disait-il qu’il consentirait volontiers à la recommencer, ajoutant qu’il voudrait seulement en effacer quelques fautes, comme un auteur qui donne une nouvelle édition de son ouvrage.

Sa mort fut tranquille, et seulement accompagnée de cette mélancolie d’une âme sensible, qui, en se séparant des objets qu’elle a aimés, n’est troublée ni par l’inquiétude de leur avenir, ni par des retours douloureux sur le passé. Il laissait, à une famille chérie, une fortune acquise par ses travaux et ses talents, la reconnaissance publique attachée à son nom et l’exemple de sa vie. Il voyait sa patrie délivrée de ses antiques fers, libre de chercher le bonheur, et capable de le trouver dans une raison que lui-même avait affranchie des préjugés.

L’humanité et la franchise étaient la base de sa

.

  1. Il n’a eu, dans sa longue carrière, qu’une seule maladie dangereuse ; elle le conduisit aux portes du tombeau ; il envisagea la mort sans crainte, mais non sans avoir besoin de quelque courage pour renoncer à la vie ; et il ne vit pas sans un sentiment de douleur qu’il lui faudrait recommencer à mourir.

    Après son retour à Philadelphie, sa santé s’affaiblit de plus en plus ; il était depuis plusieurs années attaqué de la pierre, et il n’avait voulu opposer que le régime à sa maladie, parce qu’il le croyait suffisant pour écarter de lui les grandes douleurs, et qu’il ne voulait point acheter, par une opération dangereuse, l’espérance incertaine de quelques années de vieillesse.