Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/430

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
418
ÉLOGE DE FRANKLIN.


que les hommes les moins instruits puissent les entendre et les résoudre. C’est à eux qu’il s’adresse toujours. Tantôt c’est une erreur dont il veut les détromper, tantôt une vérité utile à laquelle il veut doucement préparer leurs esprits, afin qu’ils la reçoivent, et surtout qu’ils la conservent. On y chercherait vainement une ligne qu’on puisse le soupçonner d’avoir écrite pour sa gloire.

Souvent il employait ces formes qui ne déguisent en apparence la vérité que pour la rendre plus sensible, et, au lieu de l’apprendre, laisser le plaisir de la deviner. C’est ainsi qu’en paraissant enseigner les moyens les plus sûrs de diminuer l’étendue d’un État qu’on trouve trop difficile à gouverner, il met au jour l’imprudence de la conduite du ministère anglais à l’égard de l’Amérique ; ou que, pour montrer l’injustice des prétentions de la Grande-Bretagne sur ses colonies, il suppose un rescrit par lequel le roi de Prusse soumet l’Angleterre à des taxes, sous prétexte que les habitants des rives de l’Oder l’ont autrefois conquise ou peuplée.

Sa conversation était comme son style, toujours naturelle et souvent ingénieuse. Dans sa jeunesse, la lecture de Xénophon lui avait donné le goût de la méthode socratique, et il se plaisait à l’employer tantôt par des questions adroites, conduisant ceux qui soutenaient une opinion fausse à la réfuter eux-mêmes ; tantôt, par une application de leurs principes à des objets familiers, les obligeant à reconnaître la vérité dégagée des nuages dont la routine ou les préjugés l’avaient environnée ; d’autres fois,