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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/444

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ÉLOGE DE CAMPER.

Au milieu de ces travaux pour les sciences, Camper avait été souvent appelé à remplir des fonctions publiques, et même dans ces temps orageux où la Hollande s’apercevait enfin qu’à peine il lui restait l’apparence de son ancienne liberté.

Avec quel plaisir nous aurions compté Camper parmi les généreux défenseurs de l’indépendance de sa patrie, et dans cet instant fatal où la liberté batave, acquise par cinquante ans de combats, tombait sous une tyrannie étrangère ; où le neveu des Nassau détruisait d’une main imprudente ce monument glorieux des vertus de ses ancêtres ; où les citoyens qui ne voulaient ni s’exposer à la persécution, ni recevoir un pardon humiliant, accouraient en foule parmi nous ! Avec quel empressement n’aurions-nous pas accueilli le martyr de la patrie et de l’égalité dans ce pays, jadis le seul, dont, grâce à nos arts, à nos lumières, à la douceur de nos mœurs, le despotisme osait s’enorgueillir, et devenu aujourd’hui le temple où la liberté va recevoir le culte le plus pur, parce qu’il sera le plus éclairé !

Mais Camper, attaché par l’habitude, par la reconnaissance, au parti dominant, plaignit ce qu’il regardait comme les erreurs de ses compatriotes, et ne seconda point leurs efforts pour la liberté. Cependant, il fut plus éloigné encore de jouir du triomphe de ses ennemis. L’homme vertueux, quelque cause qu’il embrasse dans les discordes civiles, gémit des injustices où son parti se laisse entraîner ; il souffre d’autant plus des maux du parti contraire, que, ne les partageant point, il peut craindre d’être