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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/454

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ÉLOGE DE FOURCROY.


Mais osent-ils entreprendre de l’arrêter, la résistance qu’on lui oppose augmente sa force ; il brise ces digues impuissantes, et ravage pendant quelques instants cette même terre qu’il doit fertiliser à jamais.

Admis, en 1736, dans le corps du génie, M. de Fourcroy fut employé sous les ordres du maréchal d’Alsfeld, qui le commandait alors, et dont son activité, son zèle, sa sagesse prématurée, lui méritèrent la confiance. Malheureusement le jeune ingénieur remarqua une erreur dans un projet que le maréchal lui avait communiqué ; il l’en avertit, et n’en reçut d’abord que des remercîments ; mais il eut l’imprudence de confier à sa mère ce petit secret de son amour-propre ; la tendresse maternelle ne fut pas moins indiscrète. Le maréchal d’Alsfeld n’était ni assez grand pour avoir de l’indulgence, ni assez habile pour ne pas craindre d’avouer qu’il avait pu se tromper ; et on s’aperçut longtemps qu’il n’avait point pardonné, soit dans le choix des commissions dont il chargea Fourcroy, soit même dans les règlements généraux, qui toujours contrarièrent son avancement. Mais les obstacles de ce genre n’arrêtent que les demi-talents et les faibles courages. Fourcroy y gagna d’apprendre de bonne heure à ne rien attendre que de ses services ; il était destiné à prouver, par son exemple, que la vertu est aussi une des routes de la fortune, et n’est peut-être pas la moins assurée.

Il fit, avec succès, toutes les campagnes de la guerre de 1740, et quoique encore très-jeune, il