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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/457

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ÉLOGE DE FOURCROY.

connaître la force ou la faiblesse d’un système de forteresses destinées à couvrir une frontière, la nécessité de soutenir les points qui laissent un passage trop facile, ou de supprimer des défenses inutilement multipliées. Il calcule la durée de la résistance de chaque place ; il juge l’influence qu’elle peut avoir sur le sort d’une guerre ; il prévoit d’avance quel serait dans telle province ennemie le fruit d’une victoire, et sur chaque frontière du pays qu’il doit défendre, le danger d’une défaite. C’est ainsi que toutes les grandes parties de la guerre se lient à la science de l’ingénieur, et qu’il peut en soumettre les hasards à la certitude d’un, art, qui ne se borne point au faible mérite de construire, suivant des règles connues, une forteresse isolée.

Cette vie, moins périlleuse, moins pénible que celle de la guerre, n’est ni moins active, ni moins occupée, ni moins utile ; elle rendait Fourcroy à son goût pour la solitude et le travail : il y consacrait quatorze heures par jour. Ce que son devoir n’exigeait pas, il le donnait aux sciences ; mais il craignait de céder au plaisir de se livrer à ses propres idées, et l’utilité qu’il pouvait envisager dans des travaux étrangers à son état, loin d’affaiblir ses scrupules, ne lui paraissait qu’une tentation dangereuse. Surtout il voulait se soustraire aux illusions de l’amour-propre ; aussi la plupart de ses observations, de ses recherches sur plusieurs parties de l’histoire naturelle ou de la physique, sont-elles dispersées dans les ouvrages des savants avec lesquels il était lié. Les observations microscopiques, insérées dans