cupé de répandre les lumières, comme un politique instruit des véritables intérêts des nations. Il voyait avec peine qu’un ordre dont l’héroïsme, dans
trois sièges célèbres, en égalant les prodiges de
l’histoire ancienne, les avait rendus vraisemblables,
restât condamné à une oisive inutilité, et se
bornât à exercer de vaines représailles, qui ne servent
qu’à augmenter le nombre des malheureux, et
à punir le brigandage sans le prévenir ni le réprimer.
Il proposa des moyens de rendre à l’ordre de
Malte son ancien lustre, en lui donnant une utilité
réelle, sans laquelle, dans un siècle éclairé, il ne
peut plus exister de véritable gloire. Il voulait que
les diverses puissances de l’Europe confiassent à cet
ordre les sommes qu’elles emploient à racheter des
captifs, et la valeur des tributs honteux que, sous
le nom de présents, elles payent aux brigands d’Afrique,
persuadé, avec raison, qu’il vaut mieux ne
pas souffrir qu’il y ait des captifs, que de payer
leur liberté, et qu’on n’achète point la paix de son
ennemi, en augmentant ses moyens de faire la
guerre. Mais ce projet ne devait pas réussir dans un
temps où le machiavélisme mercantile était, pour
les politiques de l’Europe, une science presque nouvelle
dans laquelle ils se faisaient honneur de s’instruire
et de faire des découvertes. Aujourd’hui
même, combien peu d’hommes savent encore que
chaque nation doit chercher à surpasser et non à
détruire l’industrie de ses voisins, que les progrès de
leur commerce sont pour elle une source de jouissances,
et non une cause d’appauvrissement réel ;
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ÉLOGE DE TURGOT.