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ÉLOGE DE M. EULER.


l’injustice l’autorité de sa renommée, et élever en faveur des sciences une voix qu’on ne peut empêcher de se faire entendre : M. Euler, tout simple, tout modeste qu’il était, sentait ses forces, et les a plus d’une fois heureusement employées.

En 1771, la ville de Pétersbourg éprouva un incendie terrible ; les flammes gagnèrent la maison de M. Euler ; un Bâlois, M. Pierre Grimm (dont le nom mérite sans doute d’être conservé), apprend le danger de son illustre compatriote, aveugle et souffrant ; il se précipite au travers des flammes, pénètre jusqu’à lui, le charge sur ses épaules et le sauve au péril de sa vie. La bibliothèque, les meubles de M. Euler furent consumés, mais les soins empressés du comte Orloff sauvèrent ses manuscrits ; et celte attention, au milieu du trouble et des horreurs de ce grand désastre, est un des hommages les plus vrais et les plus flatteurs que jamais l’autorité publique ait rendus au génie des sciences : la maison de M. Euler était un des bienfaits de l’impératrice, un nouveau bienfait en répara promptement la perte.

Il a eu de sa première femme treize enfants, dont huit morts en bas âge ; ses trois fils lui ont survécu, et il eut le malheur de perdre ses deux filles dans la dernière année de sa vie ; de trente-huit petits-enfants, vingt-six vivaient encore à l’époque de sa mort. En 1776, il épousa en secondes noces Mlle Gsell, sœur de père de sa première femme ; il avait gardé toute la simplicité de mœurs dont la maison paternelle lui avait donné l’exemple ; tant qu’il a conservé la vue, il rassemblait tous les soirs, pour la