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ÉLOGE DE M. EULER.


prière commune, ses petits-enfants, ses domestiques et ceux de ses élèves qui logeaient chez lui ; il leur lisait un chapitre de la Bible, et quelquefois accompagnait cette lecture d’une exhortation.

Il était très-religieux ; on a de lui une preuve nouvelle de l’existence de Dieu et de la spiritualité de l’âme : cette dernière même a été adoptée dans plusieurs écoles de théologie. Il avait conservé scrupuleusement la religion de son pays, qui est le calvinisme rigide ; et il ne paraît pas qu’à l’exemple de la plupart des savants protestants, il se soit permis d’adopter des opinions particulières, et de se former un système de religion.

Son érudition était très-étendue, surtout dans l’histoire des mathématiques ; on a prétendu qu’il avait porté sa curiosité jusqu’à s’instruire des procédés et des règles de l’astrologie, et que même il en avait fait quelques applications ; cependant, lorsqu’en 1740 on lui donna ordre de faire l’horoscope du prince Yvan, il représenta que cette fonction appartenait à M. Kraaff, qui, en qualité d’astronome de la cour, fut obligé de la remplir. Cette crédulité, qu’on est étonné de trouver à cette époque dans la cour de Russie, était générale un siècle auparavant dans toutes les cours de l’Europe ; celles de l’Asie n’en ont pas encore secoué le joug ; et il faut avouer que si on en excepte les maximes communes de la morale, il n’y a jusqu’ici aucune vérité qui puisse se glorifier d’avoir été adoptée aussi généralement et aussi longtemps que beaucoup d’erreurs, ou ridicules ou funestes.