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ÉLOGE DE TURGOT.


associé libre de cette Académie, et, à l’époque de l’institution de la Société d’agriculture, en 1760, il en fut un des premiers membres, comme il s’en montra un des plus zélés, lorsque, après quelques années de langueur, elle reprit une existence nouvelle. Il a donné à chacune des deux compagnies plusieurs observations intéressantes, et a contribué a nous faire mieux connaître l’origine de la gomme élastique, substance singulière que la nature a prodiguée aux forêts de la Guyane, qui est déjà employée dans plusieurs arts, et qui deviendra bien plus utile quand des mains industrieuses sauront, dans le pays même, la préparer pour nos besoins. Mais Turgot était devenu grand propriétaire, et l’agriculture ou les parties de la botanique qui s’y appliquent, obtinrent une préférence presque exclusive.

Le voyage de Cayenne lui avait affaibli la vue ; bientôt, menacé de la perdre totalement, il se soumit avec succès à l’opération de la cataracte ; mais il ne put recouvrer qu’une vue faible, et se trouva privé des ressources que son activité et son goût pour l’étude lui préparaient. Alors, il opposa sans effort, aux maux de la nature, le même courage qu’il avait opposé aux injustices des hommes. Ce courage formait, en quelque sorte, le fond de son caractère, et uni à une probité sévère, à un patriotisme éclairé et ferme, il lui faisait pardonner le manque de cette douceur qui n’est pas une vertu, mais qui rend la vertu aimable, contribue au bonheur des autres plus que des services réels, et dont