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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/478

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ÉLOGE DE L'HÔPITAL.


l’homme vertueux et faible que les remords sont un supplice.

Forcé de m’arrêter sur une longue suite de désordres et de barbaries, je ne parlerai point de sang froid de ce qu’il est impossible de voir sans indignation. Eh ! pourquoi craindrais-je de haïr les ennemis de ma patrie ? C’est le seul genre de haine dont le sentiment ne soit point pénible : malheur au peuple où cette haine ne régnerait plus que dans un petit nombre d’âmes échappées à l’avilissement ! Malheur surtout à la nation où elie serait regardée comme un ridicule ou comme un crime, où l’on donnerait le nom de raison à l’indifférence pour les maux publics ! Qu’importe à l’homme de bien, si les âmes viles qui ne s’indignent contre le crime que lorsqu’il blesse leurs intérêts, si les hommes corrompus qui tremblent en secret pour eux-mêmes, l’accusent d’être méchant lorsqu’il n’est que juste ! Il lui suffît de pouvoir se dire à lui-même : Ma voix est pure ; elle n’a flétri que les ennemis de la vertu et les oppresseurs du peuple.

On me reprochera peut-être de montrer les hommes sous des couleurs trop odieuses ; mais qu’on daigne se souvenir que j’ai à peindre, et le siècle le plus coupable peut-être dont les annales du monde aient transmis la mémoire, et dans ce siècle les classes les plus élevées, c’est-à-dire, les plus corrompues de la société : alors, on ne m’accusera point d’avoir calomnié la nature humaine. C’est parce que je crois l’homme naturellement bon, que je m’indigne contre ceux qui le rendent l’instrument