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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/481

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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


dont, malgré sa jeunesse, plusieurs traits avaient décelé déjà l’élévation et la force : toutes ces qualités, que le malheur rendait plus intéressantes encore, lui méritèrent de puissants protecteurs. Ils se félicitaient d’avoir trouvé un homme dont les talents et la reconnaissance leur promettaient un secours utile, et qui ne pouvait devenir leur rival.

Le cardinal de Grammont engagea l’Hôpital à le suivre en France [1] ; il eut l’honneur de rendre à leur commune patrie ce citoyen rejeté par elle dès son enfance, et que la nature avait destiné à en être un jour l’honneur et l’appui : mais déchu bientôt de toutes ses espérances par la mort trop prompte du cardinal, l’Hôpital resta sans place, sans protecteur. Heureusement, le lieutenant criminel Morin devina son génie ; il donna sa fille et une charge de conseiller au parlement à ce jeune homme sans fortune, qui n’avait hérité de ses parents qu’un nom flétri et odieux à la cour.

L’Hôpital ne tarda pas longtemps à éprouver le dégoût inséparable de la monotonie de ses fonctions : lui-même, dans ses lettres, se compare à Sisyphe, obligé chaque jour de porter au haut d’une montagne un rocher qui retombe chaque jour ; non que l’Hôpital regardât les fonctions déjuge comme peu difficiles et peu importantes : mais, contraint de suivre une jurisprudence où il découvrait sans cesse

  1. La profonde connaissance que l’Hôpital avait du droit romain, lui avait mérité, avant l’âge de vingt-cinq ans, une place d’auditeur de Rote : il la quitta pour revenir en France.