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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/489

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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


conscience : mais il était vertueux et sensible ; il aimait la gloire, et il se voyait accusé et condamné par la voix publique, trop souvent inexorable pour l’homme de bien, et indulgente pour les hommes corrompus.

C’est dans le cœur de ses amis qu’il cherche la force de résister à ce malheur, le plus grand qu’un homme vertueux puisse éprouver après celui du remords. Il interroge tous ceux qui connaissent sa vie, qui l’ont vu exercer ces fonctions qu’alors il cherchait à rendre plus nobles encore ; il leur demande s’ils ont rien aperçu en lui qui puisse le faire juger capable d’immoler son devoir à l’avidité, à l’ambition, à l’esprit de parti, et par où il a mérité qu’on le force de détester la vie [1].

L’édit des semestres fut bientôt oublié ; et l’Hôpital, chargé de la renommée d’un homme ennemi des abus, resta exposé à la haine de ceux que ces abus font vivre.

Mais ne le plaignons point d’avoir obtenu la haine des ennemis du peuple ; pour une âme forte, cette haine est un bien : c’est la preuve la plus frappante qu’on a servi la patrie. Le peuple ignorant, facile à séduire, se trompe aisément sur le bien qu’on lui fait ; ses ennemis, plus éclairés, plus attentifs à leurs intérêts, ne se trompent point. Le peuple peut méconnaître celui qu’il doit aimer ; les ennemis du peuple connaissent bien mieux celui qu’ils doivent haïr.

  1. Voyez les poésies de l’Hôpital.