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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/488

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ÉLOGE DE L'HÔPITAL.


prétexte aux ennemis de l’Hôpital : on l’accuse d’avoir trahi le corps dont il avait été membre, comme s’il y avait pour un citoyen d’autres devoirs que ceux qui l’enchaînent à la patrie. Ces mêmes hommes, qui le haïssaient parce qu’il avait défendu le peuple contre la cour, lui reprochent d’avoir vendu à la cour les intérêts du peuple ; il n’a voulu qu’abolir les épices, qu’il regarde comme une source de corruption, et on crie qu’il veut introduire la corruption dans la magistrature !

L’Hôpital fut accablé de ces reproches ; il ne pouvait se repentir d’avoir obéi à ses lumières et à sa


    gnerait encore à la destruction de ces abus, si déshonorants pour la magistrature, quand bien même il eût fallu augmenter un peu la dette nationale. S’il se fût refusé à ce moyen, on en eût trouvé d’autres qui peut-être n’eussent été d’onéreux.

    On prétendit alors que cet édit ouvrait la porte au pouvoir arbitraire, et qu’il suffirait à la cour de séduire un semestre. Cependant la cour eut à peine reçu le prix des nouvelles charges, qu’elle cessa de payer les appointements, laissa les épices se rétablir, et renonça aux vues profondes que les hommes zélés pour la liberté publique et pour les épices lui avaient supposées.

    L’Hôpital, qu’on accusait d’avidité et d’ambition, était alors si pauvre, qu’il ne pouvait donner une dot à sa fille ; et il avait si peu de crédit, qu’il fut obligé d’employer celui de Marguerite de Valois pour obtenir de la cour l’agrément d’une charge de maître des requêtes, qu’on lui avait promise pour son gendre.

    Il encourut encore, dans la suite, le même reproche d’avidité, pour avoir cédé aux instances de Charles IX, qui, instruit de sa pauvreté, le força d’accepter un don de cinquante mille livres. A la vérité, les hommes qui lui faisaient ces reproches étaient des courtisans déjà enrichis des dons du prince, et qui passaient leur vie à solliciter de nouvelles grâces.