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ÉLOGE DE M. EULER.

M. Euler avait étudié presque toutes les branches de la physique, l’anatomie, la chimie, la botanique ; mais sa supériorité dans les mathématiques ne lui permettait pas d’attacher la plus petite importance à ses connaissances dans les autres genres, quoique assez étendues pour qu’un homme plus susceptible des petitesses de l’amour-propre eût pu aspirer à une sorte d’universalité.

L’étude de la littérature ancienne et des langues savantes avait fait partie de son éducation ; il en conserva le goût toute sa vie, et n’oublia rien de ce qu’il avait appris ; mais il n’eut jamais ni le temps ni le désir d’ajouter à ses premières études : il n’avait pas lu les poètes modernes, et savait par cœur l’Enéide. Cependant M. Euler ne perdait pas de vue les mathématiques, même lorsqu’il récitait les vers de Virgile ; tout était propre à lui rappeler cet objet presque unique de ses pensées ; et on trouve dans ses ouvrages un savant mémoire sur une question de mécanique, dont il racontait qu’un vers de l’Énéide lui avait donné la première idée.

On a dit que, pour les hommes d’un grand talent, le plaisir du travail en était une récompense plus douce encore que la gloire ; si cette vérité avait besoin d’être prouvée par des exemples, celui de M. Euler ne permettrait plus d’en douter.

Jamais, dans ses savantes discussions avec de célèbres géomètres, il n’a laissé échapper un seul trait qui pût faire soupçonner qu’il se soit occupé des intérêts de son amour-propre. Jamais il n’a réclamé aucune de ses découvertes ; et si on revendiquait