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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/506

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d’une de nos plus illustres familles ; le peuple l’accusait de la déprédation des finances et de la misère publique. Les grands, qui auraient pu lui pardonner sa puissance, en espérant d’en profiter, étaient indignés de ses hauteurs, espèce de tyrannie d’autant plus insupportable, qu’elle se renouvelle à chaque instant, et qu’elle attaque les grands précisément dans ce qu’ils ont de plus cher, les chimères qui les séparent des autres hommes [1]. Les massacres d’Amboise avaient mis le comble à la haine. Le cardinal sentait que l’impétuosité de son caractère l’avait emporté trop loin ; et que trop faible pour braver ses ennemis, il fallait se donner du temps pour les tromper ou pour les corrompre. Le chancelier espéra de faire tourner au profit de la nation cette modération que le premier ministre affectait par politique.

Le cardinal de Lorraine avait promis à l’hypocrite Granvelle d’introduire en France l’inquisition [2]. Il fallait parer ce coup, et sauver, je ne dis pas la foule des victimes que ce tribunal se fût immolées, mais

    d’une maladie qu’on attribua à la dureté de sa prison, dont on ne lui permit de sortir que peu de jours avant sa mort.

  1. Les formules pour la suscription et la souscription des lettres avaient fait à la cour plus d’ennemis au cardinal de Lorraine, que la ruine de l’État et l’oppression du peuple.
  2. C’était pour le cardinal de Lorraine un moyen sûr de perdre ses ennemis. Granvelle, de son côté, avait moins songé à ôter aux Flamands le secours qu’ils espéraient des protestants français, qu’à exciter, dans le sein de la France, des troubles qui pussent empêcher cette puissance de profiter de ceux de la Flandre.