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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/526

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ÉLOGE DE L'HÔPITAL.


catholiques par des cruautés égales ; des prêtres, des magistrats catholiques, envoyés au supplice, payent le sang des ministres protestants et des magistrats réformés [1].

Cependant le chancelier, toujours intrépide, toujours fidèle au roi qu’on entraînait malgré lui, et qu’on instruisait à répandre le sang de ses sujets, tâchait de rassembler du moins quelques débris du naufrage public. Malgré les cris des fanatiques, auxquels le parlement eut le malheur de se mêler, il n’y eut ni massacre ni pillage dans les villes prises par l’armée royale [2]. À chaque conquête, le chancelier publie une amnistie nouvelle pour ceux qui voudront quitter les armes ; il renouvelle la promesse de maintenir l’édit de pacification. Mais le duc de Guise regarde avec dédain ces vains efforts d’une vertu impuissante ; la fortune le sert mieux

  1. Il faut avouer seulement que la principale armée protestante, conduite par des chefs vertueux, épargnait aux peuples tous les maux qui n’étaient pas inévitables ; et comme les protestants, quoique également égarés par leur zèle, avaient des mœurs plus austères, on ne vit point leurs soldats exercer sur un peuple innocent, livré à leur rage, les raffinements de la cruauté unis aux horreurs de la débauche : mélange horrible, et le seul genre de fureur qui paraisse n’appartenir qu’à l’espèce humaine.
  2. On trouve dans les Mémoires de Condé des lettres de l’ambassadeur d’Espagne, où il se plaint de la mollesse avec laquelle Catherine faisait la guerre aux protestants. C’était aux insinuations secrètes de l’Hôpital qu’on attribuait cette mollesse de Catherine, et le refus d’accepter les secours de Philippe II, qui, sûr d’affaiblir du moins la France en y perpétuant la guerre civile, se flattait en secret de la conquérir ou de la démembrer.