Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/532

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
520
ÉLOGE DE L'HÔPITAL.


qu’il n’aurait que le choix d’un maître ; qu’en immolant les chefs du parti protestant, en persécutant les hérétiques, on détruirait en même temps la puissance du parti contraire ; et que les Guises, qui ne devaient leur pouvoir qu’au titre de défenseurs de la religion catholique, ne seraient plus rien lorsque cette religion n’aurait plus d’ennemis.

Catherine se livra à ses conseils ; le crime ne l’effrayait pas ; mais, pour le consommer, il fallait détruire le chancelier dans le cœur de Charles IX ; car elle savait bien que l’Hôpital ne donnerait à cette profonde politique que les noms qu’elle méritait, et que ceux d’assassinat et de trahison effrayeraient l’âme encore timide de son fils. Il fallut quatre ans d’intrigues et de calomnies pour perdre l’Hôpital dans l’esprit du jeune roi ; et, après lui avoir enlevé l’appui de ce grand homme, il fallut encore quatre années pour conduire par degrés ce malheureux prince à donner l’ordre de la Saint-Barthélemi. Cette conjuration, tramée pendant si longtemps pour faire un tyran d’un roi, que peut-être la nature avait formé pour être un homme vertueux ; cet art d’écarter de lui tous les gens de bien, tous ceux qui avaient du courage ou qui aimaient la patrie, afin qu’a ban donné seul aux monstres sanguinaires qui voulaient le rendre l’instrument de leurs fureurs, ils pussent l’amener au comble de l’atrocité et de la perfidie ; enfin, cette longue et profonde conspiration des courtisans contre la nation et contre le roi, est peut-être l’exemple le plus effrayant que l’histoire puisse offrir à un jeune prince ami de la vertu.