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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/537

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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


prix de ses successeurs, s’ils osaient s’en écarter. Celui qui regarde comme un bonheur de succéder à un grand homme dont les vertus ont causé la chute, se montre dès lors indigne de le remplacer, incapable de sa place, s’il n’en est pas effrayé, et déjà criminel, s’il s’est promis en secret de ne point s’exposer à la perdre.

Aussi Morvilliers, magistrat vertueux, si pourtant on peut être vertueux avec un esprit dur et un caractère faible, Morvilliers ne prit les sceaux que par soumission, en attendant qu’on eût trouvé un ministre digne que Médicis lui confiât ses sanguinaires projets.

Cependant Rome et l’Espagne, les fanatiques, les courtisans, les gens d’affaires, les ennemis de la France et ceux du peuple se félicitèrent d’avoir enlevé à la nation l’appui d’un grand homme. Charles fut délivré d’un ministre qui ne savait que lui parler de ses devoirs ; il fut délivré des plaintes dont les ennemis de l’Hôpital avaient si longtemps fatigué ses oreilles. Tout à la cour parut content, lorsque la ruine de l’État fut décidée sans retour ; ceux même qui criaient contre le ministère, soit par habitude, soit par une vaine ostentation de vertu, soit pour faire acheter leur silence, n’osèrent plus se plaindre ; et tous cessèrent de s’élever contre les abus, depuis que l’Hôpital leur eut montré qu’on pouvait songer sérieusement à les réformer.