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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/547

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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


était simple : lois, mœurs, opinions, croyances religieuses, constitution, tout était d’accord, tout concourait au même but ; et, pour former ces législations, dont nous admirons les ressorts simples et puissants, des philosophes, animés par l’enthousiasme de la vertu et de la liberté, trouvèrent aisément dans leur âme les principes dont ils avaient besoin.

Il n’en est plus de même parmi nous ; chaque nation est formée de vingt peuples différents, Grecs, Romains, Juifs, Arabes, Barbares : tous nous ont donné des fers ou des lois.

Nos mœurs, nos opinions, les coutumes qui nous tiennent lieu de lois, ne sont qu’un assemblage confus de parties disparates ou contradictoires. Des capitulaires faits pour un autre gouvernement et pour d’autres mœurs ; les coutumes de différentes peuplades que le seul hasard a réunies, et qui n’avaient de commun que de relever des rois de France ; les lois données par Justinien à des peuples plus éloignés de nous par leurs opinions que par le long intervalle de siècles qui nous en sépare ; les décisions des légistes et les usages des tribunaux ; quelques lois trop souvent inspirées par l’ignorance ou la barbarie ; quelques règlements que l’ambition ou les vues d’une politique momentanée ont dictés aux hommes revêtus de l’autorité : tels sont les matériaux dont lamas informe compose notre jurisprudence.

Au milieu de ce désordre, quel homme de génie osera porter une main réformatrice ? Sur quels prin-