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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/548

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ÉLOGE DE L'HÔPITAL.


cipes appuiera-t-il la base d’une législation nouvelle ? Sur la nature de l’homme, sur ces lois morales que les établissements humains peuvent contrarier, mais qu’ils ne peuvent détruire. Il appuiera le code criminel sur les droits de l’homme, qui ne s’est mis en société que pour assurer sa liberté et sa vie ; sur l’humanité, qui ne doit jamais permettre d’oublier, je ne dis pas qu’un accusé, mais qu’un coupable est un être sensible : il appuiera le code civil sur le droit de propriété territoriale, droit antérieur à la société elle-même ; il réglera la manière de prouver ce droit ou de l’acquérir, en sorte que chacun possède tranquillement, sache ce qu’il doit posséder, et soit en état de le défendre ; il réglera les droits des époux, des pères, des héritiers, d’après ce que demandent l’équité naturelle, le maintien des mœurs et le soin de la prospérité publique.

En élevant ainsi sur des fondements posés par la nature, et invariables comme elle, un édifice destiné pour l’éternité, il se gardera bien d’en gâter l’ordonnance majestueuse et simple, et d’y conserver quelques restes barbares de ruines gothiques.

Le génie de l’Hôpital n’était pas au-dessous d’un tel ouvrage, mais son siècle n’était pas au niveau de son génie. Les sciences morales ont, comme les sciences physiques, leurs périodes et leurs progrès. Fondées également sur des lois générales que l’observation seule apprend à connaître, elles ne sont longtemps que l’assemblage de quelques vérités que l’instinct a fait découvrir à des hommes de génie : il vient un moment où les véritables principes de ces