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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/571

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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


voit est un ami, parce qu’il n’y a point d’homme dont il n’ait voulu être le bienfaiteur. Devenu l’objet de la vénération des méchants même, sitôt qu’ils ont cessé de le craindre ; dispensé du soin pénible de les combattre, et d’arrêter ses yeux sur les tristes détails de leurs crimes, il a retrouvé sa sérénité, et il semble que la disgrâce l’ait délivré d’un fardeau. Sa vertu lui suffit ; il ne hait ses ennemis que comme il hait tous les méchants, et il n’a pas même besoin de sentir que tôt ou tard le mépris public doit le venger.

Une seule douleur peut le troubler, celle d’être témoin du malheur de sa patrie ; mais il sait encore l’adoucir en préparant de loin, par ses travaux, le bonheur des races futures.

Tel fut dans sa retraite le chancelier de l’Hôpital. La poésie, qui depuis sa jeunesse avait été pour lui un délassement dans le tumulte des affaires, devint l’amusement de sa vieillesse. Ses ouvrages en vers ne contiennent que des épîtres : on y chercherait en vain une poésie harmonieuse ou brillante ; mais on trouve partout un goût simple et pur, formé par l’étude de l’antiquité, une philosophie élevée et consolante, la haine de l’oppression et du fanatisme, l’amour des lettres et du repos ; il ne parle des grandes places que comme de grands devoirs à remplir, et de sa disgrâce que pour célébrer les douceurs de la vie privée, plaindre son roi et pleurer sur son pays. Ce goût de la vertu, qui donne des charmes si touchants aux ouvrages où il règne, prend un caractère plus intéressant et plus respectable encore, lors-