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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/576

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ÉLOGE DE L'HÔPITAL.


dictions du malheureux soulagé, faites toujours ce que vous conseillent la vertu et le courage.

Employez, pour le bonheur public, tout ce que la nature vous a donné de talents et d’énergie ; et dussent les supplices ou même le mépris être votre partage, dussent vos travaux être t in utiles, soyez sûrs encore que vous avez bien choisi, et qu’en évitant le remords ou le sentiment accablant d’avoir été faibles, vous avez évité de plus grands maux.

Sans doute, il est des siècles condamnés à des malheurs irréparables, et réduits à préparer, par ces malheurs mêmes, la félicité des races futures ; mais que l’exemple des vains efforts du génie et de la vertu ne nous fasse pas désespérer du bonheur de l’espèce humaine.

Tant que les lumières ont été renfermées dans un peuple seul, qui n’avait de rapport avec les autres que pour les mépriser ou les vaincre ; tant que chaque nation isolée a combattu seule contre le malheur et l’ignorance, et que le secours des lumières étrangères ne pouvait l’aider à réparer ses pertes ; tant que les sciences morales ont été bornées à un petit nombre de vérités grandes et profondes, qu’une sorte d’inspiration dévoilait à quelques âmes privilégiées ; tant que l’instruction, bornée à des écoles publiques, obligeait les sages de déguiser la vérité sous des emblèmes dont le sens se perdait après eux, et qu’il leur fallait se conduire avec leurs disciples comme un chef de conjurés avec ses complices ; tant que les livres n’ont été que des manuscrits qu’il était difficile de multiplier et facile d’anéantir ; alors