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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/575

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ÉLOGE DE L’HÔPITAL.


yeux fatigués de tant de crimes, se fermèrent enfin, et avec lui s’éteignit la dernière espérance des Français : lui seul eût pu changer en vertus utiles les remords qui déchirèrent le malheureux Charles IX.

Telle fut la fin de la vie de l’Hôpital. Cette vie fut-elle heureuse ? Ce grand homme réunit tout ce qui mérite les désirs des hommes : des amis tendres et fidèles ; une famille à qui il était cher, et dont jamais il n’eut à rougir ; une fortune bornée, mais au-dessus de ses désirs comme de ses besoins, et qui lui permettait d’être bienfaisant ; une santé qui jamais n’interrompit ses travaux ; de grandes places, des talents., et des vertus dignes de ces places ; la gloire, l’amour du peuple, le respect des gens de bien, et ce concert si doux à l’oreille de l’homme vertueux, les cris des méchants : jamais son âme inébranlable et pure ne connut ni les remords, ni le trouble, ni la crainte. Mais pourquoi faut-il que les crimes des méchants soient aussi un supplice pour l’homme de bien qui n’a pu les empêcher, et que la nature ait laissé en leur puissance cette manière de lui faire du mal ?

La vertu ne suffit donc pas pour assurer le bonheur des hommes ! Mais du moins elle est pour tous les hommes le moyen d’être Je moins malheureux qu’il est possible.

O hommes ! dans quelques circonstances que vous vous trouviez, quels que soient vos concitoyens et vos maîtres, soit que la vertu règne autour de vous, soit que le vice y domine, au milieu des frémissements de l’oppresseur comme au milieu des béné-