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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/593

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ÉLOGE DE PASCAL.


pas sans un mélange de grandeur. Souvent petit et cruel dans les tracasseries de la cour et dans ses vengeances particulières, il avait de la hauteur et de la noblesse dans les affaires publiques.

Il ne vit dans Pascal qu’un homme courageux, mais honnête et simple, dont il n’avait rien à craindre ni pour sa vanité, ni pour sa place. Il le rappela à Paris, et l’intendance de Rouen fut le dédommagement de son absence volontaire et la récompense de ses vertus.

Son fils avait alors retiré de son séjour dans la capitale tous les avantages que le père en avait espérés, et d’ailleurs une ville qui avait produit le grand Corneille ne pouvait être regardée comme étrangère aux arts.

Le jeune Pascal était déjà célèbre ; son père n’avait pas cru qu’il pût être utile de surcharger la tête d’un enfant de mots auxquels il ne peut attacher que des idées fausses ou incomplètes. Il avait retardé jusqu’à douze ans le moment de commencer l’étude des langues : celle des sciences exactes, pour lesquelles son fils avait une espèce d’instinct, fut renvoyée à une époque encore plus reculée. Étienne Pascal avait éprouvé avec quel empire ces sciences s’emparent de l’esprit ; quelle fâcheuse incertitude elles font apercevoir dans toutes les autres ; et il craignit que, si son fils s’y livrait trop tôt, il n’eût plus dans la suite que du dégoût pour l’étude des langues anciennes, dont la connaissance approfondie était alors regardée comme nécessaire. Ainsi, jusqu’à douze ans, on n’avait presque rien appris au