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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/594

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ÉLOGE DE PASCAL.


jeune Pascal, et de tous les enfants célèbres, le seul peut-être qui l’ait été à juste titre, a reçu une éducation tardive, ou plutôt n’en a point eu d’autre que son génie.

Étienne Pascal avait écarté de son fils tous les livres de géométrie. Ce jeune homme ne connaissait que le nom de cette science, et l’espèce de passion qu’avaient pour elle son père et les savants, parmi lesquels il était élevé. Son père, cédant quelquefois à ses importunités, lui avait donné quelques notions générales ; mais on se réservait à lui en apprendre davantage quand il en serait digne. Toute l’ambition des enfants est de devenir hommes. Ils ne voient dans les hommes que la supériorité de leurs forces, et ils ne peuvent savoir combien les préjugés et les passions rendent si souvent les hommes plus faibles et plus malheureux que des enfants.

Pour Pascal, devenir homme, c’était devenir géomètre. Tous les moments où il était libre étaient employés à tâcher de deviner cette science des hommes, dont on lui faisait un mystère ; il cherchait à imiter ces lignes et ces figures qu’il n’avait fait qu’entrevoir. Son père le surprit dans ce travail, et vit avec étonnement que la figure que traçait son fils servait à démontrer la trente-deuxième proposition d’Euclide. Cet événement a été rapporté par madame Perrier, sœur de Pascal : elle a joint à son récit des circonstances qui l’ont fait révoquer en doute. Mais si on examine le fait en lui-même, si on songe qu’il est moins question ici d’une démonstration rigoureuse que d’une simple observation