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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/606

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ÉLOGE DE PASCAL.


leur devons des ouvrages de genres bien différents, les Provinciales, le Triangle arithmétique et le Traité de la roulette.

Le docteur Antoine Arnaud, fils de celui qui avait dénoncé les jésuites à la France entière comme des ennemis du trône, de la morale et de la religion, était à la tête des jansénistes. Tandis que les autres théologiens se faisaient presque un devoir de conscience d’ignorer les sciences naturelles, et de combattre la philosophie de Descartes, Arnaud avait approfondi [1] les sciences, et s’était montré le disciple de cette philosophie nouvelle. Sa profonde érudition théologique ; une éloquence incorrecte, mais véhémente, abondante, quoique diffuse ; une réputation de science et de vertu, qui s’était étendue loin des bornes de l’école ; un caractère inflexible, une âme qui, née pour les passions, les avait toutes sacrifiées à celle de dominer sur les esprits, et de soutenir contre les jésuites ce qu’il regardait comme la cause de sa famille ; tout cela le rendait l’ennemi le plus redoutable de la société : elle résolut de le perdre. Les ouvrages d’Arnaud, sur les querelles du jansénisme, en furent le prétexte, et la Sorbonne allait le condamner, lorsque ses amis

  1. Approfondi, c’est trop fort. Arnaud savait très-peu de géométrie, d’astronomie, d’optique, d’anatomie ; de son temps, les autres sciences naturelles étaient encore au berceau, ou étaient demeurées un secret entre les mains de leurs inventeurs.

    Ce qu’Arnaud avait approfondi, c’était la partie systématique de la philosophie de Descartes, c’est-à-dire, précisément tout ce qui n’en valait rien.