espérèrent arrêter ce corps par la force de l’opinion
publique. Cette espèce de tribunal, qui n’inflige
point d’autre supplice que le ridicule ou le déshonneur,
fait souvent trembler les tribunaux les plus
redoutables ; mais pour armer ce tribunal de l’opinion
en faveur du savant qu’on cherchait à opprimer,
il fallait faire entendre à un public frivole ce
que c’était que le pouvoir prochain et la grâce suffisante, qui ne suffisait jamais ; il fallait rendre ridicule la querelle suscitée à Arnaud, afin de rendre
ses juges méprisables et ses ennemis odieux. Le
projet était excellent. On en chargea Pascal, et ses
premières lettres eurent un succès qu’on n’aurait pu
espérer de l’espèce de matière qu’il était obligé de
traiter. Cependant, ces lettres ne produisirent aucun
effet. Arnaud fut condamné, malgré la voix publique,
par des moines docteurs, dont les jésuites avaient
rempli la Sorbonne, soit que cette voix n’eût pas eu
le temps de se faire entendre, soit qu’elle ait moins
de force sur les moines que sur les autres hommes.
Pascal crut alors devoir consacrer quelques lettres
à la vengeance d’Arnaud ; mais il connaissait trop le
monde pour croire que l’apologie d’un innocent pût
intéresser longtemps ; il savait que la sensibilité des
hommes se lasse plutôt que leur malignité ; et la
morale des jésuites lui parut propre à servir d’aliment
à cette malignité.
Les rapports des hommes entre eux sont devenus si compliqués, que souvent il se présente des circonstances où la voix de la conscience ne suffit plus pour les guider, où leur devoir semble se contredire.