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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/620

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ÉLOGE DE PASCAL.


calcul des probabilités ; c’est celui où l’on propose de partager un enjeu donné, lorsque les joueurs veulent cesser de jouer, et que la probabilité de gagner n’est point égale entre eux.

Les principes que Pascal a employés reviennent à ceux de Huyghens, qui s’occupait de ce calcul à peu près dans le même temps, et il me semble que Pascal les appuie sur des fondements encore moins solides.

S’il était question de donner ici l’histoire de ce calcul, je ferais observer que ces principes ne sont pas incontestables, qu’ils supposent une égalité parfaite entre deux cas essentiellement différents, celui d’un homme qui est sûr de gagner une somme, et celui d’un autre homme qui n’a qu’une petite probabilité de gagner une somme beaucoup plus forte ; que, à la vérité, la différence entre l’état de ces deux hommes diminue, si on multiplie le nombre des coups où les deux joueurs feraient entre eux cette convention ; en sorte que le principe, qui fait regarder semblable l’état des deux joueurs, n’est surtout applicable, en aucune manière, au cas où le jeu ne pourrait être joué qu’une seule fois. Cette condition rappelle une application singulière que Pascal fit du calcul des probabilités. Il observa qu’il y avait une différence infinie entre le sort qui attend les impies, s’il y a des peines éternelles, et le peu qu’ils ont à gagner, s’ils subissent un anéantissement total ; et il en conclut qu’il y a un avantage infini à préférer, dans sa conduite, l’opinion de l’éternité des peines, pour peu que la probabilité ne soit pas in-