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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/621

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ÉLOGE DE PASCAL.


finiment petite : c’est-à-dire, en langage ordinaire, pourvu qu’elle ne soit pas absurde.

On est étonné que Pascal se soit permis, dans une matière si respectable, un raisonnement qu’il est si aisé de prendre pour une plaisanterie ; mais il est plus étrange encore que ses éditeurs aient pu le croire sérieux. Les jésuites mêmes, qui avaient commencé par en parler comme d’une dérision impie, finirent par la proposer aux incrédules comme une raison sans réplique. Un des sectateurs du parti de Pascal, mais qui n’était pas un Pascal, a fait à cette occasion un ouvrage curieux. Il soutient qu’il y a des démonstrations d’un autre ordre que celles de la géométrie, et plus certaines encore ; l’auteur prétend, par exemple, qu’il est plus sûr de l’existence de la ville de Rome, que de cette vérité : deux et deux font quatre.

Pascal, tourmenté par une longue insomnie, se permit d’abréger l’ennui de ses veilles en méditant sur la théorie des cycloïdes. C’est l’excuse que sa sœur donne à cette violation du vœu qu’il avait fait de renoncer aux occupations profanes. Baillet prête à ce travail un motif plus religieux. On croyait alors en France que l’étude des sciences naturelles, et des mathématiques surtout, menait à l’incrédulité ; c’était principalement aux géomètres et aux physiciens, à ces hommes qui doivent être les plus difficiles en preuves, que Pascal avait destiné son ouvrage ; et il voulait les prévenir d’avance en sa faveur, et leur montrer que celui qui avait entrepris de les éclairer sur la foi, aurait pu les ins-