Aller au contenu

Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/629

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
617
ÉLOGE DE PASCAL.


faut pas dire au peuple que ses lois sont injustes ; car il est quelquefois nécessaire de le tromper ; il ne faut pas même lui dire qu’il doit obéir aux lois parce quelles sont justes ; il n'aurait qu’à vouloir les examiner : il faut lui dire qu’il doit leur obéir parce quelles sont établies ; car il faut surtout éviter les séditions. Ainsi, le sage doit parler comme le peuple, en conservant cependant une pensée de derrière.

Si l’homme, soumis de toutes parts à l’empire de la force, rentre ensuite en lui-même, il y trouve d’autres preuves de sa faiblesse. S’applaudira-t-il d’avoir fait le destin des États ? Un grain de sable, placé dans l’urètre de Cromwell, a décidé du sort de l’Europe, et si le nez de Cléopâtre eût été plus court, la face de la terre eût été changée. S’enorgueillira-t-il de la force de son esprit ? Le bourdonnement d’une mouche l’empêche de penser. Si vous voulez qu’il puisse trouver la vérité, chassez cet insecte importun qui trouble cette puissante intelligence qui gouverne les villes et les royaumes. Sera-ce de la connaissance de la vérité ? Placé entre deux infinis en grandeur et en petitesse, et tous deux également incompréhensibles, ne trouvant qu’ignorance à chaque pas qu’il veut faire dans l’étude de la nature ; entouré partout ailleurs d’obscurité et de contradictions, il ne reste donc à l’homme de science réelle que la géométrie ; et dans cette science même, il voit devant lui une immensité de vérités que jamais la race humaine ne peut épuiser, quelle que soit sa durée ; et derrière lui, des principes qui le ramènent à une métaphysique impénétrable. Cependant, loin d’être