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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/642

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ÉLOGE DE PASCAL.

Si l’attachement de Pascal au parti janséniste fut inébranlable, sa docilité pour les docteurs de cette secte ne fut point aveugle. Avec un esprit trop conséquent pour être bon sectaire, il avait un caractère trop ferme et une âme trop sincère pour approuver la politique des jansénistes ; s’obstinant à ne vouloir ni abandonner leurs opinions, quand le pape les condamnait, ni avouer qu’ils n’étaient pas

    plus anciens, et transmis seulement par la voix publique. En général, la croyance, pour les miracles, augmente en raison de leur antiquité et de l’obscurité de preuves. Cette observation contredit un peu l’assertion de Craig, qui, dans le livre intitulé : Theologiæ christiania principia Mathematica, prétend, d’après un fort beau calcul sur la loi selon laquelle décroissent les motifs de crédibilité, qu’il n’y aura plus, en 3150, de motifs raisonnables de croire la religion chrétienne. Il en conclut qu’alors il n’y aura plus de foi sur la terre, et que le monde finira. Craig s’imaginait apparemment que les hommes ne croyaient jamais que sur de bonnes raisons.

    Un compatriote de Craig (Pierre Péterson) a résolu le même problème ; mais il assigne une autre loi au décroissement des motifs de crédibilité, et il prétend que c’est vers 1789 que la religion chrétienne cessera d’être croyable. Il en conclut, comme Craig, la fin du monde ; et ce qui le confirme dans son opinion, c’est que la comète de 1661 doit reparaître vers la même époque.

    Son ouvrage a été imprimé à Londres en 1701, sous le titre : Animadversiones in Joannis Craig principia Mathematica. Au reste, ce ne sont point les seuls savants qui se soient amusés à prédire la fin du monde. Mais depuis qu’un célèbre ministre luthérien du seizième siècle a eu le malheur de survivre à l’époque de sa prédiction, ses successeurs ont eu soin d’en fixer une à laquelle les prophètes ne puissent atteindre. Ceux même qui sont jaloux de leur gloire, auprès de la postérité, ne manquent pas de reculer cette époque à plusieurs milliers d’années.