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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/643

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ÉLOGE DE PASCAL.

d’accord avec le saint-siége, ils montraient dans leur conduite une subtilité et une souplesse qu’un zèle bien pur ne pouvait approuver. Les jésuites se flattèrent d’établir, sur le bruit de quelque refroidissement survenu entre Pascal et Port-Royal, que Pascal avait abjuré le jansénisme, et désavoué les Provinciales. Un jésuite fit même imprimer une déclaration du curé qui avait vu Pascal dans ses derniers moments ; mais les jansénistes, qui avaient un si grand intérêt à conserver le nom de Pascal, répondirent avec tant de hauteur, que les jésuites n’osèrent plus citer cette déclaration, qui n’a servi qu’à augmenter la liste des fraudes pieuses.

La réputation de Pascal, après sa mort, fut si grande ; le nom imposant de défenseur de la religion contre les incrédules fut répété avec tant d’avantage ; les gens de lettres, français ou étrangers, se réunirent pour l’admirer d’une voix si unanime, que les jésuites mêmes furent en quelque sorte forcés de respecter sa mémoire. Maintenant qu’ils ne sont plus, que le parti janséniste, soutenu par quelques hommes de mérite, que les jésuites avaient eu la maladresse de se rendre contraires, va être anéanti avec eux, le nom de Pascal survivra seul à ces querelles, parce que, de tous ceux qu’elles ont agités, lui seul a eu un véritable génie, et qu’elles n’ont pu l’absorber tout entier. Les Provinciales et ses Pensées l’ont placé au rang des hommes éloquents et des grands écrivains[1] ; son nom, lié avec la découverte de la

  1. L’auteur de l’éloge aurait dû avertir les jeunes gens que