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ÉLOGE DE M. D’ALEMBERT.

M. D’Alembert fit ses études au collège des Quatre-Nations, et les fit d’une manière brillante, indice quelquefois trompeur de ce qu’un homme doit être un jour.

L’importance que le cardinal Mazarin eut la faiblesse ou l’imprudence de donner aux disputes des amis de Saint-Cyran avec les jésuites, avait produit des troubles qui, après quatre-vingts ans, agitaient encore la France, et dont le progrès des lumières a depuis presque anéanti jusqu’au souvenir ; mais en 1730, il n’y avait aucun corps, aucun collège, pour ainsi dire aucun homme, qui, par zèle religieux, par politique ou par désœuvrement, n’eût embrassé un des deux partis.

Les maîtres de M. D’Alembert étaient de celui qu’on appelait janséniste, car dans les disputes de ce genre, on cherche toujours à rendre ses adversaires odieux par un nom de secte dont ils ont grand soin de se défendre ; espèce d’hommage qu’ils rendent à la raison. M. D’Alembert fit, dans sa première année de philosophie, un commentaire sur l’épître de saint Paul aux Romains, et commença comme Newton avait fini ; ce commentaire donna de grandes espérances à ses maîtres. Les hommes distingués dans la littérature ou dans les sciences, montraient alors presque seuls à la nation l’exemple d’une indifférence salutaire : on se flatta que M. D’Alembert rendrait au parti de Port-Royal une portion de son ancienne gloire, et qu’il serait un nouveau Pascal.

Pour rendre la ressemblance plus parfaite, on lui