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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/654

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REMARQUES


quefois, et que, puisque le désir de la gloire fait bien faire quelque chose à ceux qu’il possède, les autres le pourront bien aussi. Ce sont des mouvements fiévreux que la santé ne peut imiter. » (P. 266.)


CONDORCET. La morale des stoïciens était fondée sur la nature même, quoiqu’elle semble toujours la combattre. Ces philosophes avaient observé que les passions violentes, l’enthousiasme, la folie même, non-seulement donnent à l’homme la force de supporter la douleur, mais l’y rendent souvent insensible. Comme il est une foule de douleurs, que notre prudence et nos lumières ne peuvent ni prévenir, ni soulager ; comme la crainte de la douleur est l’instrument avec lequel les tyrans dégradent l’homme et le rendent misérable, les stoïciens jugèrent, avec raison, que l’on ne pourrait opposer aux maux où nous a soumis la nature, un remède à la fois plus utile et plus sûr, que d’exciter dans notre âme un enthousiasme durable, qui, s’augmentant en même temps que la douleur, par nos efforts pour nous roidir contre elle, nous y rendît presque insensibles ; cet enthousiasme avait, contre la douleur, la même force que le délire, et cependant laissait à l’âme le libre usage de toutes ses facultés. Ainsi, le stoïcien dit : La douleur n’est point un mal ; et il cessa de la sentir. Le même remède s’applique encore, avec plus de succès, aux maux de l’âme, plus cruels que ceux du corps. Celle du sage s’élève si haut, que les opprobres, les injustices, ne peuvent y atteindre. L’amour de l’ordre, porté