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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/657

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SUR LES PENSÉES DE PASCAL.


gaiement, que quand on le fait par un faux principe de conscience. » (P. 294.)

CONDORCET. Les crimes, regardés comme tels, font beaucoup moins de mal à l’humanité que cette foule d’actions criminelles qu’on commet sans remords, parce que l’habitude, ou une fausse conscience, nous les fait regarder comme indifférentes ou même comme vertueuses.

1° Combien, depuis Constantin, n’y a-t-il pas eu de princes qui ont cru servir la divinité en punissant, de supplices cruels, ceux de leurs sujets qui l’adoraient sous une forme différente ?

Combien n’ont-ils pas cru être obligés de proscrire ceux qui osaient dire leur avis sur ces grands objets qui intéressent tous les hommes, et dont chaque homme semble avoir le droit de décider pour lui-même ?

Combien de législateurs ont privé des droits de citoyen quiconque n’était pas d’accord avec eux sur quelques points de leur croyance, et forcé des pères de choisir entre le parjure et l’inquiétude cruelle de ne laisser à leurs enfants qu’une existence précaire ? Et ces lois subsistent ! Et les souverains ignorent que chaque mal qu’elles font est un crime pour le prince qui les ordonne, qui en permet l’exécution ou qui tarde de les détruire !

2° En ordonnant la guerre qui n’est pas nécessaire pour la sûreté de son peuple, un prince se rend responsable de tous les maux qu’elle entraîne, et il est coupable d’autant de meurtres que la guerre