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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/659

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SUR LES PENSÉES DE PASCAL.


Bergers de Brie, de Moriceau, de la Chaux, de Lally, de Labarre, etc., etc., ont été fidèles à ces règles, dictées par la nature et la raison, qui sont plus anciennes et plus sacrées que les registres Olim !

5° Arracher des hommes de leur pays, par la trahison et par la violence, pour les exposer en vente dans des marchés publics comme des bêtes de somme ; s’accoutumer à ne mettre aucune différence entre eux et les animaux ; les contraindre au travail à force de coups ; les nourrir non pour qu’ils vivent, mais pour qu’ils rapportent ; les abandonner dans la vieillesse ou dans la maladie, lorsque l’on n’espère plus de regagner par leur travail ce qu’il en coûterait pour les soigner ; ne leur permettre d’être pères que pour donner le jour à des enfants destinés aux mêmes misères, devenus comme eux la propriété de leur maître, qui peut les leur arracher et les vendre ; que pour voir leurs femmes et leurs filles exposées à toutes les insultes de ces hommes sans humanité comme sans pudeur. Voilà comme nous traitons d’autres hommes ! Ce serait une horrible barbarie si ces hommes étaient blancs ; mais ils sont noirs, et cela change toutes nos idées. L’Américain oublie que les nègres sont des hommes ; il n’a avec eux aucune relation morale ; ils ne sont pour lui qu’un objet de profit : s’il les plaint, s’il évite de leur faire souffrir des maux inutiles, son insolente pitié est celle que nous avons pour les animaux qui nous servent ; et tel est l’excès de son mépris stupide pour cette malheureuse espèce, que, revenu en Europe, il s’indigne de les voir vêtus comme des