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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/663

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SUR LES PENSÉES DE PASCAL.


sont pas propres à la culture des cannes à sucre, et ne suffiraient point pour l’approvisionnement de l’Europe ?

Et si, au lieu d’apprendre aux nègres d’Afrique à vendre leurs frères, nous leur avions appris à cultiver leur sol ; si, au lieu de leur apporter nos liqueurs fortes, nos maladies et nos vices, nous leur avions porté nos lumières, nos arts et notre industrie, croit-on que l’Afrique n’eût pas remplacé nos colonies ? Compterait-on pour rien l’avantage d’arracher à la barbarie et à la misère une des quatre parties du monde ? Et quand même il n’y aurait pas à gagner pour tous les peuples dans un tel changement, les nations ne devraient-elles pas se lasser de suivre, dans leur conduite, une morale dont le particulier le plus vil rougirait d’adopter les principes ?

6° Personne n’a jamais douté que ce ne soit un délit grave de ravager un champ cultivé. Au dommage fait au propriétaire, se joint la perte réelle d’une denrée nécessaire à la subsistance des hommes. Cependant, il y a des pays où les seigneurs ont le droit de faire manger, par des bêtes fauves, le blé que le paysan a semé ; où celui qui tuerait l’animal qui dévaste son champ serait envoyé aux galères, serait puni de mort : car on a vu des princes faire moins de cas de la vie d’un homme, que du plaisir d’avoir un cerf de plus à faire déchirer par leurs chiens. Dans ces mêmes pays, il y a plus d’hommes employés à veiller à la sûreté du gibier qu’à celle des hommes ; souvent il arrive que, pour défendre