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Page:Condorcet - Œuvres, Didot, 1847, volume 3.djvu/664

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REMARQUES


des lièvres, les gardes tirent sur les paysans ; et comme tous les juges sont seigneurs de fiefs, il n’y a point d’exemples qu’aucun de ces meurtres ait été puni. Là, des provinces entières sont réservées aux plaisirs du souverain. Les propriétaires de ces cantons sont privés du droit de défendre leurs champs par un enclos, ou de l’employer d’une manière pour laquelle cette clôture serait nécessaire. Il faut que le cultivateur laisse l’herbe qu’il a semée pourrir sur terre, jusqu’à ce qu’un garde-chasse ait déclaré que les œufs des perdrix n’ont plus rien à craindre, et qu’il lui est permis de faucher son herbe. Il y a longtemps que ces lois subsistent ; il est évident qu’elles sont un attentat contre la propriété, une insulte aux malheureux, qui meurent de faim au milieu d’une campagne que les sangliers et les cerfs ont ravagée. Cependant, aucun confesseur de roi ne s’est encore avisé de faire naître à son pénitent le moindre scrupule sur cet objet.

7° Les impôts sont une portion du revenu de chaque citoyen, destinée à l’utilité publique. Dans toute administration bien réglée, le nécessaire physique de chaque homme doit être exempt de tout impôt ; mais, au contraire, le crédit des riches a fait retomber ce fardeau sur les pauvres, dans presque tous les pays où le peuple n’a point de représentant. Ainsi, toute portion de l’impôt, qui n’est point employée pour le public, doit être regardée comme un véritable vol, et comme un vol fait aux pauvres. Ainsi, pour qu’un homme puisse croire avoir droit à cette portion, il faut qu’il puisse se